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L'anis ne passera plus par moi

10 mai 1981

Ca fait moins de 3 mois que nous sommes arrivés dans le Sud-Ouest.

Mon père a toujours été un militant actif du PS mais il n’a pas eu le temps de reprendre ses marques.

Pour le vote il a fait une procuration, comme ma mère, à un de leurs amis du nord de la France qui habite le même village que nous habitions. Je n’ai pas encore le droit de vote.

Comme ils sont partis sans avoir de job sur place ils ont pris ce qu’ils ont trouvé. C’est-à-dire un job de veilleur de nuit dans un hôtel 3 étoiles pour mon père et un poste de gardienne d’hôtel (c’est-à-dire en fonction de 19h00 à 22h00 et qui reprend le matin tôt pour la mise en place du petit déjeuner) avec un logement de fonction attenant à la réception de l’hôtel.

A l’heure des résultats mon père était au boulot, ma mère occupée avec des clients qui arrivaient et moi devant la télé. J’ai vu apparaitre progressivement un crâne dégarni me demandant bien qui était dessous.

Une fois qu’il n’y a plus eu de doute j’ai fait une mini danse de la joie dans le salon et je suis passée à la réception de l’hôtel contiguë, les clients ne m’ont pas laissé le temps d’entrer qu’ils m’ont demandé qui avait été élu. J’ai pris un air le plus neutre possible (avec le recul je pense qu’il n’a dupé personne) pour dire que c’était Mitterrand. Ils ont fait la tronche, ont pris leurs valises et sont montés dans leurs chambres. On a pu retourner à l’appart toutes les deux ma mère et moi et laisser sortir la joie.

Ensuite j’ai pris mes jambes à mon cou pour aller avertir mon père dont le job se trouvait à 150 m environ. J’ai immédiatement pris un air de circonstance, c’est à dire neutre, les clients n’étaient pas contents du tout dans l’ensemble, mais j’ai réussi à faire passer un message à mon père qui a eu un bref sourire.

Je suis rentrée en vitesse à la maison et ait attendu avec ma mère qu’il soit un peu plus tard, les clients de l’hôtel 3* où bossait mon père se sont cloitrés dans leur chambre pour digérer la nouvelle qui ne les avait pas réjouis, restaient certains qui fêtaient cela au bar de l’hôtel quand j’y suis retourné.

Le barman m’a offert un coupe de champagne pour fêter ça, malgré mon « jeune âge », puis on a tous parlé de tout et de rien, d’avenir, de rêve, d’espérance et « on en revient pas ! » entre nous et Il a fallu expliquer pourquoi certain étaient gais et d’autre bien moins à un client Irakien qui ne parlait qu’anglais…
Bref tout cela a donné soif. Pour me désaltérer le brave barman m’a servi trois fois un grand verre d’anisade…
2h00 du matin est arrivé, il a fallu que j’aille me coucher car le lendemain je prenais le train tôt pour rejoindre le lycée et l’internat à Bordeaux…

Hélas, l’anisade était en fait du Ricard, fortement dilué certes, mais la dose d’alcool est toujours là et mon organisme, pas habitué à ce genre de produit, a fait un rejet… Devinez quel est le parfum qui a emporté la palme de résistance lors du second voyage ?
Oui l’anis est très persistant comme parfum, résultat depuis le 10 mai 81 je bois plus une goutte de truc anisé, je ne supporte plus le fenouil ni les sucettes à l’anis, bref ce parfum est sorti définitivement de ma vie, oui 30 ans plus tard on y est toujours :-)

11 mai 1981

Le lundi donc, arrivé au lycée avec une gueule de bois monstrueuse, le trajet en train n’avait pas arrangé les choses…

L’accueil au bahut avait été très surprenant… C’était un petit lycée qui venait d’ouvrir et les profs et le proviseur nous attendaient tous bien rangés pour nous offrir… une rose.

Ils avaient fait la razzia dans leurs jardins, probablement aussi sur les parterres municipaux qui semblaient bien dépouillés d’un coup, et nous ont donné cette fleur en nous demandant de les attendre dans le patio du bâtiment.

Une fois tous réunis le proviseur a pris la parole pour dire un truc du genre :

« Vous vivez un moment historique, aujourd’hui c’est le début d’une nouvelle époque, il y aura sans doute de grands changements qui influeront fortement votre vie. Jusqu’à hier personne ne pensait cela réaliste alors n’oubliez pas, tout est possible, il faut y croire, se donner les moyens pour y arriver et réessayer jusqu’à ce que le but soit atteint, en se rassemblant on est plus fort.
Même si certains d’entre vous pensent que ce changement est une catastrophe ils verront que cela ne sera pas une régression de notre pays mais celui d’une plus grande liberté... »

Ensuite retour dans nos classes respectives. Notre prof, que nous avions toute la matinée le lundi, nous a invité prendre le bus pour aller au cinéma, voir Elephant Man, (à la place d’un cours de biologie pourquoi pas) puis piqueniquer au jardin public, l’après-midi retour en cours de physique mode allégé, juste quelques TP simples…

On avait trouvé ça génial et très sympa de leur part, avec le recul je pense qu’ils ont fait ça en grande partie pour gérer au mieux leur gueule de bois perso et la fatigue liée à la fiesta de la veille…

En fait mes souvenirs de cette période ça a été plutôt cet élan qui nous a fait croire pendant un temps que tout était possible, que la liberté, la légèreté pouvait être de ce monde. Bon dans les années qui ont suivies on est retombés sur la réalité, mais cet espoir, ces rêves à voix haute j’ai aimé les vivre. Je ne sais si on retrouvera cette forme d’insouciance et de bonheur brut un jour, mais en tout cas ça manque, même en version plus soft.

Actuellement c’est plutôt chape de plomb, resserrage des boulons, règles à la con et politiquement correct, pas une tête qui dépasse, qui sont à la mode et perso je trouve cela lourd, très lourd, étouffant…

On va dire que j’ai un grand besoin d’oxygène…

Nous verrons au printemps prochain si il y en aura un peu

 

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