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Où on va tonton ?

egliseironToi tu le sais depuis jeudi après midi, moi je me pose encore et toujours la question.

Tu me fera un signe pour me dire si c'est bien ?

Ta vie n'a pas été un long fleuve tranquille, c'est le moins qu'on puisse dire, mais tu as toujours été le tonton rigolo, gentil, consolant.

Ta mère ne se sent pas capable de t'élever, qu'à cela ne tienne, tu sera élevé par tes grands parents, pleins de bonne volonté mais pas particulièrement tendres.

Après un passage forcé au Maroc tu t'es marié, tu as eu ton premier enfant, un fils, très beau, second enfant une fille, troisième enfant encore une fille et là le fils attrape cette fichue polio, les soins ne suffisent pas, il a 7 ans et meurt peu avant la naissance de sa troisième soeur.

La vie continue, il faut bien.

Tu es le bout en train des réunions familiales et amicales, tu laisses pousser ces moustaches à la gauloise qui te font reconnaitre partout où tu passes.

Au cours de tes déplacements professionnels tu rencontre une dame qui te console d'un mariage qui bat de l'aile, de ta femme qui te mène une vie dure et te reproche tes moindres plaisanteries ou écarts de langage.

Ta femme l'apprend, elle réagit violemment en te faisant boire la mort au rat plusieurs jours d'affilé, tes frères s'inquiètent de ton absence imprévue, vont te voir, te trouvent en piteux état, te sortent de là et t'emmène à l'hôpital.

Tu refusera de porter plainte pour empoisonnement contre ton épouse pour que tes filles ne soient pas séparées de leur mère, et tu demande le divorce.

Ça a été long et épique, tu en ressort complètement fauché et tu pars vivre avec la dame de ton cœur.

Le quotidien la révèle un peu différente mais tu semble heureux avec elle.

Deux de tes filles ne te pardonnent pas le départ de la maison, elles coupent les ponts avec toi, tu en souffre mais respecte leur décision et continue malgré tout à leur laisser des messages d'ouverture.
La plus jeune, en vieillissant comprendra que tout n'est pas noir ou blanc et reviendra, l'aînée non.

La dame de ton coeur t'a "accepté" sans ressources puisque ton emploi dépendait de ton ex-femme, mais elle compte bien se "payer sur la bête" tu as un rythme de fou pour t'occuper de ses propriétés terriennes, de ses bois aussi, le reste ne nous regarde pas, tu semble bien, tu bougonne comme souvent tu le faisait déjà avec l'autre mais tu garde ta joie de vivre.

Ta mère est hospitalisée pour son Alzheimer puis vient à décéder, même si elle ne s'est guère occupée de toi que pour te faire des reproches tu fais partie de ceux qui défendait le point de vue de lui apporter une fin de vie la meilleure possible, quitte à participer financièrement, lors des réunions familiales.

L'âge te rattrape aussi, ainsi que la maladie de Parkinson.

Automne 2007, tu as 70 ans, tes filles, celle du milieu et la cadette, te voyant décliner peu à peu, décident d'organiser une grande fête de famille pour ton anniversaire, il y a si longtemps que les 7 frères et soeurs ne se sont pas retrouvés ; ni les 15 cousins et cousines tous mariés, voire remariés et parents...

La fête se déroule superbement, plus de 50 personnes présentes, j'avais fait les quasi 1000 km qui nous séparent pour venir te voir et te présenter ta petite nièce ; comme tous les gamins elle est conquise, t'a un don, et se prend de passion pour tes moustaches ;)

Tu es plus lent et moins mobile certes mais tu as gardé ton humour et ta bonne humeur.

Il y a 6 mois de cela Parkison a fait de tels ravages à coup d'avancée surprise et fulgurantes que tu ne peux plus rester chez toi, l'hospitalisation est devenue impérative.

La dame de ton cœur a trouvé judicieux de passer alors donner toute tes affaires à ta fille du milieu en lui disant que maintenant que tu ne servais plus à rien c'était bien à elle de s'occuper de toi, plus personne ne l'a revue, pas même toi.

Sera-t-elle là lundi ?

Tes 2 filles se sont relayées pour te rendre visite plusieurs fois par semaine, même celle qui habite à 200 km, et te rendre le séjour hospitalier le moins lourd possible, mais tu en avais assez de cette vie diminuée.

Mardi matin tu as eu un accident vasculaire cérébral, jeudi après midi tu as cessé le combat, tu as rendu ton tablier.

Je suis triste même si je sais que tu ne voulais pas finir en trainant comme un légume des années comme ta mère.

Lundi je ne pourrais pas venir te dire un dernier au revoir pour de multiples raisons mais je ne t'oublierai pas pour autant.

On se retrouvera peut être... plus tard...

Y'en a du monde à retrouver là-bas...

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