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François, épilogue
Soumis par Cécile-Une quadra le dim, 03/11/2013 - 03:32Ce 2 novembre (2013) François aurai fêté ses 50 ans. Cela aurai probablement été l'occasion d'une fiesta à tout casser, comme pour ses 30 ans ;)
Les épisodes précedents sont là : Rubrique François, ça commence le 09/09/2007.
Je poursuis donc en "condensé" car je n'ai ni l'envie, ni le courage de tout reprendre au quotidien...
Jusqu'au 23 novembre 1997 il y avait un peu d’espoir que la situation s'arrange et que François puisse être réveillé et reprendre une vie, certes différente, mais acceptable.
Puis tout est soudainement allé très vite.
On a appris que la charge virale était réellement indétectable, les défenses immunitaires à un taux normal, le CMV avait rendu les armes, le staphylo lâchait du terrain, le Kaposi était sous contrôle et la pneumocystose était définitivement virée.
Bref il était guérie, ou quasiment, de tout ce qui l'avait amené à la dernière session de coma artificiel.
Il état donc d'un point de vue viral et bactériologique en bonne santé.
En parallèle on a appris que le foie était très touché et ne semblait pas vouloir se régénérer, ou alors très lentement.
Plus gênant encore les reins étaient définitivement out, c'était dialyse impérative et greffe à court terme.
Et franchement chiant, les poumons étaient largement remplis de fibroses, il avait perdu plus de la moitié de sa capacité respiratoire et gagné une fragilité importante à ce niveau. Donc le moindre exercice physique devenait problématique, il faudrait au moins une supplémentation en oxygène la nuit et la majeure partie de la journée.
Les manques en oxygène et les déficits en oligoéléments ont également fragilisés toute la musculature, dont le cœur, qui a pris un énorme coup de vieux.
La qualité de la survie était donc très sévèrement attaquée. Il pourrait continuer à vivre en étant majoritairement spectateur des choses et non plus acteur.
Au vu de ce qui avait été convenu avec les médecins il était temps de passer en mode palliatif et laisser tomber tout espoir.
L'équipe médicale nous a ménagés autant que possible lors de l’annonce de la situation mais ça n'est pas toujours suffisant.
Ils ont eu à faire face à une sorte de crise d'hystérie de la maman (un pétage de plomb dans les règles, on peut le comprendre) et une sévère arythmie cardiaque du père. Le compagnon de François et moi étions simplement comme anesthésiés par cette annonce. Aucune réaction, pas de sensations, rien le néant, le vide. Nous sommes rentrés chacun de notre coté, sans un mot et en mode pilote automatique. Ce n'est qu'en pleine nuit que la nouvelle a fini de faire son chemin et qu'on a pété les plombs... un peu...
Les deux dernières semaines ont été l'occasion de stress divers et variés.
Nous nous sommes lancés un max dans des activités crétines, pour nous occuper. D'autres plus utiles, nécessaires, entretenaient et relançaient la rage, la colère et le désespoir.
C'est ainsi que nous avons anticipé, la cérémonie, préparé la liste des personnes à avertir avec leur numéro de téléphone etc, rédigé le texte pour l'annonce de Sud Ouest (manquait plus que la date).
Pendant ce temps les parents s'occupaient de l’achat de l'emplacement au cimetière, du choix du cercueil and co.
La grand-mère tournait comme une lionne en cage et du coup nous avait tricoté de très jolis pulls marines, pas noir car François n’aimait pas cette couleur.
Oui je sais vu comme ça cela semble fou, mais cela a fait parti du processus acceptation de la situation.
Nous continuons à passer pas mal de temps tous ensemble entre les visites à l’hôpital et nos préparatifs. enfin le compagnon de François et moi surtout. Il est revenu dans "leur" maison et a commencé à transférer ses affaires perso chez ses parents puisqu’il sait qu'il lui faudra quitter la maison.
Au cours des ces derniers jours il y a eu plusieurs arrêts, mais le cœur est toujours reparti par ses propres moyens.
Le 6 décembre vers 5h du matin je suis réveillée par la sensation qu'on m'appelle. Je me lève, à demi endormie pour vérifier le téléphone, l'interphone, ouvrir les volets et voir s'il y a quelqu’un sous mes fenêtres. RAS. J'ai du rêver et/ou faire un cauchemar, un de plus...
Nous sommes samedi, je me recouche, après avoir donné des croquettes aux chats qui n'ont pas perdu le nord.
Épuisée j'arrive à me rendormir bercée par les ronronnements des félins repus.
A 8h mon téléphone sonne, c'est la maman de François.
Elle m'annonce que ça y est tout est fini, ils viennent d'être avertis par l’hôpital.
On décide de se retrouver là-bas.
Un coup de fil au compagnon de François, nous partirons ensemble.
Préparatifs rapides, on se retrouve et on prend la route.
La journée est glaciale mais superbe.
Il y a eu du brouillard une bonne partie de la nuit, il s'est levé très tôt le matin, le temps est désormais dégagé.
Les arbres et le vignoble sont recouverts d'une couche de givre blanche et scintillante sous le soleil, le ciel est d'un magnifique bleu, il fait un froid de gueux mais la N137 est déserte et superbe ce matin.
On s’en remplit les yeux comme pour faire provision de beau.
Arrivés à l’hôpital on retrouve les parents, la grand mère et le frère de François.
Des salutations brèves, un des employés nous demande si on veut patienter un peu ou aller le voir de suite car il n'est pas "préparé". Les parents y sont déjà allés.
On ne veux pas attendre. Son compagnon y va d'abord, seul. Il ressort après un long moment, hagard.
J'y vais, je ne sais plus trop ce que j'ai fait, dit... je me souviens juste d'un baiser qui m'a glacée et d'avoir pensé que vraiment ce linge bleu moche autour de la tête (comme un nœud d’œuf de pâques) ça n'allait pas du tout avec son teint très jaune...
Je suis ressortie pas forcément en meilleur état que son compagnon.
Le frère nous propose d'aller prendre un café et de nous réchauffer chez lui, il habite à proximité de l’hôpital en fait, on y est en 10 mn à pieds. On s’aperçoit qu'on ne le savait même pas.
On discute de chose et d'autres, on se répartie les tâches...
La valse des appels commence.
Le prêtre de la paroisse des parents est grippé et sera sur pieds trop tard. On contacte donc l’aumônier pour savoir s'il accepte de procéder à la messe d'enterrement. Pas de problème pour lui, il faut juste qu'il demande l’accord de son confrère local. Trop heureux de trouve un remplaçant il donne son feu vert. Ça ne sera pas plus mal d'ailleurs l’aumônier connait François alors que le prêtre local ne connaissait que vaguement les parents.
Une date est arrêtée, le 10 décembre.
La société de pompe funèbres est avertie, elle récupérera le corps pour procéder au soins de tanato. Ils demandent confirmation des choix faits précédemment, rien ne change, on n'a plus rien à faire de ce côté, ils se chargent de tout.
C'est la première fois que le terme de corps est prononcé pour désigner François, je crois qu'on le vit tous aussi mal.
On retourne tous à l’hôpital suite à l'appel du médecin qui veut nous voir une dernière fois, il n'avait pu recevoir la famille à cause d'une urgence.
On apprend qu'il est parti dans le calme, suite à un arrêt de plus, mais cette fois ci sans spasme ni crampe, juste comme une bougie qu'on a soufflé. Tout s'est passé un peu avant 5h.
Ils n'ont averti la famille qu'à 7h45 car il y avait eu un gros accident de la circulation et l'arrivée simultanée de 2 patients en piteux état. Pour François il n'y avait plus d'urgence et il était trop tard pour lui tenir la main donc ça pouvait attendre un peu. Ils l'ont dit en termes choisis mais c'était le sens général.
Un peu perturbant mais après tout c'était compréhensible, après, à la réflexion.
Nous sommes rentrés, le parents pour avertir la famille, nous pour appeler les amis et les collègues. Les PFG se chargeaient de mettre l'annonce dans Sud Ouest qui préviendrai le plus grand nombre des "inconnus".
Le compagnon de François est complètement KO, je lui propose de le déposer chez ses parents et rentre passer les coups de fils.
Seule une de ses amie sera averti le 7, car elle vit dans l'Est et le 6 c'est St Nicolas, quasi aussi important que Noël, et on a décidé de ne pas gâcher la fête de ses 3 enfants. Elle aura quand même le temps de s'organiser pour venir si elle veut faire le déplacement.
Une fois la trentaine de coup de fils passés je suis épuisée, vidée, mais je ne réaliser toujours pas complètement.
Puis a commencé la chasse aux tournesols. Ce sont ses fleurs favorites et les amis proches avaient convenu de ne porter que ces fleurs. Les PFG et amis avaient été avertis que le "code couleur" pour les fleurs serait jaune, orange et blanc si possible.
Il souhaitait un grand parterre de soleil, on fera le maxi pour lui offrir (on sait jamais peut être qu'il le verra malgré tout)
Le troisième fleuriste contacté est le bon, il sait où trouver des tournesols en quantité, je fais circuler l'information, on pourra lui offrir nos soleils.
Un dernier coup de fil chez les parents du compagnon de François et je m’effondre, la journée a été terrible.
Il n'y a plus rien à faire d'autre que d'attendre puisqu'on avait tout anticiper on n'a plus rien à faire.
Dimanche matin 8h je suis réveillée par l'appel des voisins de François qui s’étonnent de voir un camion devant la maison qui est ouverte à tous vents.
J’appelle le compagnon de François et je fonce. J'hésite à appeler la police.../...