Lundi 17 novembre 1997
Pas de visite à l'hôpital pour moi aujourd'hui, mes horaires de travail ne coïncident pas... Je laisse le compagnon de François dormir, je lui dépose juste une" gazette " avant d'aller bosser. A la pause de 10h00 j'appelle l'hôpital, j'ai enfin compris que ce n'étais pas trop la peine d'appeler avant parce que les médecins n'avaient pas fait leur" tournée " et on n'avait pas de nouvelles" fraiches ", m'a fallu le temps quand même... Les nouvelles ne sont pas bonnes... Les reins qui fonctionnaient un tout petit peu encore sont complètement out et le foie a repris sa dégradation, ce n'est pas bon signe du tout. Avec le changement de traitement il aurait dû stopper sa destruction au moins... C'est donc le CMV s'y est logé et que le nouveau traitement ne le freine plus assez...Le taux de présence du virus est à nouveau en augmentation... La jeunesse de François est à la fois son atout et son inconvénient, les cellules se renouvellent encore rapidement, c'est super pour la régénérescence des cellules abimées mais celles qui sont squattées par le CMV n'échappent pas à la règle... En plus les taux de potassium, magnésium et autres oligo-éléments baissent malgré la supplémentation par perf, il a eu de nombreuses crampes au cours de la nuit...Il ne semble pas réussir à utiliser les apports effectués. Je décide de tenter de partir très vite à la fin de mon travail pour tenter de rencontrer tout le monde à la sortie des visites. Lorsque j'arrive le papa de François est dans la" salle de détente " de la réa, moi j'appelle ça la salle des pleurs et des éperdus, c'est en général là qu'on retrouve les familles désemparées lors de la survenue de l'accident qui a amené quelqu'un dans ce service ou lorsque les médecins viennent d'annoncer que tout a été tenté mais... C'est là qu'on attend d'être reçu pour les visites soit aux malades, soit aux médecins... c'est une salle douloureuse...2 murs, peint en beige/jaune, le reste est vitré ouvert sur le couloir, pas d'intimité, une télé qui marche en continue, quelques magazines vieux d'un an au moins, des chaises en skay et des photos palies de lac de montagne, sans doute censé apporter une certaine sérénité... L'expression du père de François est égarée, il ne me dit pas bonjour, simplement qu'en rentrant il va voir la mairie de leur commune pour réserver l'emplacement du cimetière... Je n'ose comprendre... Il me "rassure", non il n'est pas mort, mais la situation se dégrade tellement que l'espoir est infime, et si jamais François n'en avais pas besoin ça leur servirait à eux... En fait dans la journée François a fait des pauses respiratoires dues à des crampes du diaphragme...Les médecins craignent qu'une soit trop longue et que le cerveau (pour l'instant épargné) n'en souffre... Bien entendu lorsque la mère de François sort de la visite, elle ne l'entends pas de cette oreille... Non on ne réserve pas le cimetière, il est hors de question d'abandonner la bataille dés maintenant... Personne n'a jamais parlé d'abandon mais je pense qu'elle n'est plus en état de comprendre... Nous mangeons tous les deux le compagnon de François et moi. On en arrive à la conclusion qu'il va falloir qu'on rencontre le médecin qui avait accepté l'accord de non acharnement thérapeutique pour faire le point avec lui des chances de François d'avoir une vie correcte à son ,éventuel, réveil et ensuite, selon le résultat, il faudra affronter sa mère et le reste de l'équipe médicale. Heureusement on a un allié avec le père de François et la grand mère devrait pouvoir être avec nous aussi, ça ne sera pas de trop pour faire respecter les désirs de François face à sa mère pour qu'on puisse présenter les choses unanimement aux médecins... Je contacte la grand mère pour la voir et prendre le thé ensemble demain après midi, à proximité de l'hôpital.